Potosí : les affres du capitalisme

Nous prenons un bus pour nous rendre à Potosi, seulement trois heures de route. Le bus est prévu pour 10 heures du matin mais les minutes passent et personnes n’arrivent pour remplir le bus.
Nous voyons alors notre beau bus touristique partir et laisser place à un mini-bus bien plus rudimentaire… Et c’est repartit pour des explications un peu « chaudes » avec la vendeuse de billets qui nous a vendu la place au prix fort.

Le seul autre européen qui devait prendre le bus avec nous renonce et prend la compagnie juste à coté. Et c’est vrai que de voir leur bus flambant neuf derrière notre bus… Mais nous décidons de partir avec les locaux, sacs sur le toit comme à notre « grande époque » et les sourires d’une grand-mères cholita nous ont convaincus de tenter l’expérience.

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Une cholita est assise juste à côté de nous et en bonne bolivienne affiche une tête haute et fière. Nous lui offrons un peu de coca et son visage se radoucit !

Notre chauffeur fait un petit détour pour déjeuner dans son « restaurant » favori alors nous ferons de même et pour quelques bolivianos dégusterons une nouvelle soupe dont les boliviens ont le secret : base de quinoa et « tout le reste ». Le paysage est encore une fois incroyable et inédit, la route en Bolivie fait vraiment partie du voyage !

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Peu de temps après notre arrivée nous découvrirons avec stupéfaction que Alex est allergique à la feuille de coca, le pauvre il aimait tellement ça … Ce n’est vraiment pas de chance mais comme il dit, geek un jour geek toujours !

Nous sommes à plus de 4000 mètres d’altitude… En fait Potosi est la ville la plus haute du monde ! Nous nous régalerons du plat typique bolivien après la soupe « de tout » : le quart de poulet avec pâtes, frites, et riz (oui tout en même temps).

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La plupart des touristes viennent visiter les mines d’argent encore exploitées artisanalement – plus pour longtemps. Le pseudo frisson voyeuriste ne nous intéresse pas vraiment ni les fables touristiques – comme être contraint d’acheter un vrai-faux bâton de dynamite pour faire offrande au mineur, on pourrait parier que le bâton se retrouve de nouveau sur l’étalage une heure plus tard…

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Par contre ce qui nous captive, c’est la démesure de l’histoire tragique de la ville… Son architecture baroque et coloniale, son passé industriel sans précédent et son influence mondiale ont valus à Potosí d’être classée au patrimoine mondial.

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Pour mieux comprendre cette histoire et celle de la Bolivie, direction la visite guidée de la Casa de la Moneda, construite en 1572 (pendant 20 ans…) où furent frapper les monnaies espagnoles et qui abritent aujourd’hui un musée numismatique mais aussi un grand nombre de peintures de l’époque coloniale, 3000 roches et minéraux (Whouhou !!!) dont la fameuse Bolivianite, des armes et des machines d’époque et plus modernes.

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La fondation de la ville débute avec une légende Inca  : suite à une explosion lors d’une tentative d’exploitation (P’utuqsi signifie « bruit » en quechua), les Incas y virent une interdiction. Le plus insolite est que la légende explique que seuls des hommes blancs pourraient un jour l’exploiter…

Quelques siècles plus tard :

Le découvreur officiel fut un indien yanacota (mi-esclave)Diego Huallpa qui avait servit l’Inca Huayna Capac.

En janvier 1545, en compagnie de 4 soldats espagnols il fut envoyé au cerro Rico, où il découvrit accidentellement la veine d’argent.

On raconte qu’au moment de camper au pied de la montagne il fit un feu, le lendemain en se réveillant il vit à travers les braises du feu mourant, de l’argent fondu. La montagne était tellement riche que l’argent se trouvait sur le sol même.

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Au 17ème siècle, Potosi devient la plus grande ville d’Amérique et d’Europe,  30 000 tonnes d’argent furent extraites et envoyer en Espagne. Les pièces de 8 reales étaient utilisées comme monnaie internationale, comme le dollar l’est aujourd’hui – le symbole $ provient d’ailleurs du dessin représentant un pilier entouré par un ruban des pièces de l’époque !

L’Espagne était toutefois si dépendante de ces mines que le moindre naufrage ou attaque de pirate était un véritable drame national. En effet si ce collosal pillage a profité à l’Europe et faisait briller l’Espagne, les dépenses inconsidérés de la monarchie Habsbourg entamera un déclin net de l’Espagne lorsque l’argent fût plus rare en 1800 – c’est l’étain, moins rentable, qui pris le relais.

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Mais le bilan le plus désastreux reste humain : les esclaves africains furent rapidement remplacer par des esclaves indiens, plus résistant au froid, et l’on estime à  8 millions le nombre de tués dans ces mines. On imagine l’horreur de villages et d’ethnies supprimées et à voir les conditions de travailles dans les mines comme dans la Casa de la moneda, l’espérance de vie ne devait être que d’un ou deux mois.

Sinon l’énorme presse « animale » qui servait à frapperla monnaie et le bâtiment de la Casa de la moneda – construite en grande partie par un français – ou encore les plantations de coca, l’argent n’a pas jamais été utilisé pour améliorer les conditions des mineurs. Une course à la rentabilité pour que l’Europe avare puisse prospérer et se pavaner, à quel prix ?

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On comprend pourquoi aujourd’hui l’amérindien Evo Morales préfère conserver ses réserves de lithium (la moitié mondiale) en attendant de pouvoir les exploiter plutôt que les confier à des multinationales étrangères…

En espagnol,  l’expression vale un Potosí (« cela vaut un Potosí » de Don Quichotte) est toujours très usitée. On ferait aussi bien de se rappeler la tragédie de son exploitation et de l’absurdité des dépenses faites.

5 Commentaires

Les commentaires sont fermés.

  1. cathy 11 années Il y a

    Alors tu as complété ta collection de cailloux??? :)

  2. cathy 11 années Il y a

    Comment ça !! toute une collection de photos sans titre! Mais tout se perd ma pauv’ dame!!

  3. Auteur
    Alexandre 11 années Il y a

    Moi qui pensais que ça passerait inaperçu…. :p
    Pour les pierres non, mais j’ai traîné des pieds pour sortir de la salle !

    • cathy 11 années Il y a

      Tu sais bien que je suis reine dans l’attachement aux choses absolument ridiculement inutiles! :p :)

    • cathy 11 années Il y a

      Mais en attendant j’adore savoir le nom ou avoir juste une description de ce que vous voyez. Ces titres sont donc d’une importance capitale :p

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